Marc Paradis, un désir d'ogre

ÉROS TRAGIQUE

Ce programme souligne la parution de la publication numérique Marc Paradis, un désir d'ogre. Marc Paradis (1955-2019) est l'un des pionniers de la vidéo queer au Québec et au Canada. Dès sa première réalisation, Le voyage de l’ogre (1981), il s’interroge sur la sexualité, le corps et l’identité homosexuelles. Son esthétique oscille entre un réalisme cru et explicite et un certain classicisme, dans la représentation des corps et les références picturales, notamment. Les textes, leur qualité littéraire et leur déclamation, jouent un rôle central donnant une résonance tragique à ces histoires d’amour, de cul, de ruptures et de mort. 

Les deux vidéos présentées^* ici semblent les deux pôles de cette oeuvre obsessive et transgressive. Si le récit de La cage (1983) est d'une grande simplicité, un couple qui se dissout dans un groupe d'hommes, Harems (1991) se présente comme un palimpseste complexe où se côtoient la passion d'un scénariste et d'un gogo boy, le scénario du premier mettant en vedette le deuxième et un paradis antique. Le très explicite La cage tend vers une observation désabusée du quotidien et de la sexualité, un monde où la drogue et les orgies semblent une échappatoire à l'ennui. Harems propose une mythologie personnelle nourrit tant des fantasmes des années 1980 -le gogo boy hissé au rang d'héros tragique- que d'une esthétique gréco-romaine : un monde de lumière, de mer, de gynécée et de pêcheurs brunis par le soleil.

En plus des quatorze autres vidéos réalisées par Paradis, dont deux inédites, la publication regroupe trois nouveaux essais de Luc Bourdon, Alexis Lemieux et Denis Vaillancourt. Elle rassemble de plus une riche sélection de documents personnels inédits : cahiers de notes, scénarios, découpages, dossiers de recherche et de repérage, etc. Une biographie et une bibliographie complète le tout.

*Ce programme contient des éléments qui pourraient ne pas convenir à certains spectateurs ou spectatrices (nudité, sexualité explicite).

Biographie
Né à Montréal en 1955, Marc Paradis a étudié en art dramatique et en arts plastiques. Il a également participé à de nombreux ateliers de formation, de 1978 à 1990, avec notamment Józef Robakowski, Bruno Bigoni, Jerzy Grotowski et Michael Kriegman. Paradis s’intéresse à la vidéo en 1981, alors qu’il réalise un screen-test pour un film du réalisateur français Jean-François Garsi, dont il est alors l’assistant. Il en tirera Le voyage de l’ogre, la première de ses 17 réalisations. Ses oeuvres questionnent les relations amoureuses entre hommes, le désir, le fantasme, la représentation de la sexualité tout en jouant, parfois, aux limites de la pornographie. En 1984, il co-signe avec Luc Bourdon, Schème vidéo puis, l’année suivante, Say Cheese for a Trans-Canadian Look, deux bandes qui se penchent sur l’art vidéo au Canada. Il réalise aussi des portraits et des captations de performance d’artistes tels que Denis Lessard, John Mingolla et Yves Lalonde. Son travail a reçu une reconnaissance tant nationale qu’internationale. Marc Paradis est décédé à Montréal à l’été 2019.

Image : Marc Paradis, La cage, 1984

Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien.