Quinquagénaire alcoolique et ventripotent, Pierre Lamarche a tout perdu : accusé de viol par Brenda, la femme qu'il aime, il se retrouve à la rue après un séjour en prison. Obsédé par son ex-amante, il la soupçonne de coucher avec les voisins et de s'adonner à la prostitution.
Livrant sa mésaventure à la caméra de la même façon qu'il se soumettrait à une thérapie, Pierre se considère en quelque sorte comme le producteur d'un document sur sa vie. Cabotin, il se pique au jeu et n'évite ni la surenchère ni les détails croustillants. De son côté, Cumming dirige ses acteurs de fortune, plante le décor et provoque les rencontres, en grand ordonnateur de ce qu'il définit lui-même comme un « roman populaire ». Par un dispositif narratif complexe, il juxtapose au récit de Pierre ses propres commentaires ainsi qu'une seconde histoire plus morbide, bien distincte de la première et narrée par un personnage à priori étranger au drame principal. Ici, le documentaire flirte clairement avec la fiction : chaque personnage joue son propre rôle, y compris le cinéaste; perspicace, il collecte les fragments épars de cette affaire à la manière d'un détective, entre dans les appartements et en ressort après avoir fixé sur la bande vidéo pièces à conviction -la petite culotte de Brenda ... - et témoignages scabreux. Dans sa dimension sordide et humoristique, Après Brenda donne à voir une réalité elliptique et explicitement manipulée. Déconcertante au premier abord, elle est cependant à l'image de la vie de Pierre : un mélange ordinaire de faits avérés et fantasmes.
Sophie Guyot, Visions du réel, 2002