Donigan Cumming risque de déborder le cadre, tant sa volonté jubilatoire à en occuper tout l'espace est grande. Nez proéminent, visage blafard et transpirant, il joue une terrible scène à deux voix. L'une affirme qu'il est grand temps d'y aller. Le personnage, Dan, est furieux et menaçant. Rien ne l'arrêtera ! Donigan enchaîne. C'est Alice qui implore Dan : il ne faut pas qu'il les abandonne, elle et les enfants. Il risque la mort ! « Ne sois pas un héros ! », supplie-t-elle. Mais Dan l'envoie au diable. Inspiré par un western - 3:10 to Yuma - c'est sur le registre du kitch mélodramatique propre aux feuilletons soap, que Cumming pratique l'outrance avec délectation. La satire est d'une drôlerie cruelle. Illustrant le paradoxe du comédien, il joue tout autant qu'il est ces deux personnages. Docu-Duster fait le lit de l'ensemble de sa démarche, consistant à filmer de près des hommes et des femmes, qui sont à la fois eux-mêmes et les personnages qu'ils interprètent. Ici, dans un jeu de rôles archétypiques, Cumming existe dans l'exagération douloureuse et la vérité rédemptrice de son être réel et fantasmé. Il fait sienne cette histoire mythique de héros intrépides et fragiles.
Jean Perret, Visions du réel, 2002