Est-ce que les anges erratiques sont des anges déchus ? Quand on découvre Colin, quarante-huit ans, personnage central de ce film, il marche sous un viaduc autoroutier. Il marche alors que ceux qui jouent le jeu de la société filent quelques mètres au-dessus de sa tête au volant de leurs Cadillacs. Lui ne joue plus depuis longtemps et vit seul négligé par les siens. Autrefois junkie et alcoolique, il reste marginal et développe sur sa propre personne un discours analytique et auto-justificateur qui tient parfois de la logorrhée. Cumming nous introduit sans ménagement dans la réalité quotidienne de ce personnage. Filmant seul en vidéo, il prend le contre-pied de la pratique courante du portrait, il ne magnifie pas, n'idéalise pas, montre crûment ce qui est : la nudité, le dénuement, le mensonge, mais aussi les regrets, la tendresse ou l'expression du bon sens. Les plans-séquences se succèdent observant chaque détail de la vie de Colin, à la façon d'un Perrec rigoureux qui de la description d'un amoncellement d'objets ou d'une coupe de cheveux signifie les lignes directrices d'une vie. Cette recherche est formellement rendue sensible par l'utilisation du steady cam qui autorise Cumming à laisser son regard errer. Sans distraire la parole, la main conduit l'objectif au-delà du visage, enrichissant le verbe de ces plans décalés, décadrés, ou s'expose un quotidien sans fard. Cette réalité met parfois mal à l'aise, mais ce malaise constitue la force de L’ange capricieux.
Yann-Olivier Wicht, Visions du réel, 1999
Générique/Crédits
Informations techniques
Documentation
Voir aussi :
Lynds, Daniel. "Birth From Above. Donigan Cumming's Erratic Angel." Off Screen, 1998.