My Dinner With Weegee ne s'intéresse pas au reporter photo Weegee, mais à Marty, qui le fréquentait à New York dans les années cinquante. Aujourd'hui septuagénaire, Marty évoque avec Donigan Cumming les souvenirs de ses rencontres avec Weegee ainsi qu'avec des artistes, des écrivains et des activistes politiques. Cette époque haute en couleur contraste violemment avec la vieillesse de Marty, dominée par les problèmes de santé, d'alcool, d'argent, et par la solitude. Au cours du film, Cumming pousse Marty à se révéler le plus entièrement possible, allant jusqu'à le filmer en train d'uriner. Si le charme de Marty transparaît lorsqu'il fredonne quelques mesures d'une chanson, on le voit plus tard cherchant à tâtons une bouteille de bière de ses mains tremblantes. Cumming ne cache pas les multiples rôles qu'il tient dans le film (et dans la vie?), celui d'ami, de biographe, mais aussi d'aide-soignant et d'inquisiteur. On le voit ainsi aider Marty à prendre ses médicaments, le chapitrer sur son alcoolisme et raconter à son tour ses souvenirs au vieil homme. Dans une scène, il fait pivoter la caméra d'avant en arrière entre son visage et celui de Marty, transformant ses questions sur l'alcoolisme de Marty en une interrogation filmique. À divers moments du film, Cumming dévoile son propre passé alcoolique, sa décision de quitter les États-Unis durant la guerre du Vietnam et sa fascination pour le vieillissement, la déchéance et la perte. Si le ton est guindé et I'élocution théâtrale, ces remarques ressemblent beaucoup à une confession, faisant de My Dinner With Weegee l'un des films le plus révélateurs de la personnalité du cinéaste.
Marcy Goldberg, Visions du réel, 2002
(traduction : Emmanuelle Maupetit)