C'est la nuit de Noël. Pierre, principal protagoniste de Après Brenda du même auteur, couche dans un couloir désert. Accompagné d'une bouteille, il crie sa solitude, son désespoir et adresse une prière au Christ.
Ainsi peut-on résumer le sujet de Petit Jésus. Mais qu'éprouve-ton trois minutes durant ? D'abord, de l'embarras et de la gêne. Cumming film son personnage en gros plan, son nez coule, et l'envie nous prend de rire tant la scène paraît grotesque et pathétique à la fois. Les chœurs ampoulés de la musique (celle de Once Upon a Time in America) ajoutent une distance et donnent un effet comique à l'ensemble. Pourtant, autre chose émane de cet homme souffrant qui déclame sa peine. Quelque chose d'universel, issu du tragique de la condition humaine. D'où vient cette impression ? Peut-être, par-delà les maux déclinés par notre homme, de ce que la caméra le fixe ostensiblement, là où naturellement le regard voudrait fuir. De ce que le temps se développe, obstinément, et que le personnage s'impose avec toute sa densité, son lyrisme. Quelque chose passe et nous bouleverse. Peu importe ce qu'a fait Pierre auparavant. Il devient une icône de la dereliction. Et l'envie de rire nous quitte totalement.
Bertrand Bacqué, Visions du réel, 2002