La ville est grise ; elle baigne dans l'ordinaire et sourd vacarme de la circulation automobile, de ses sirènes et ses klaxons. Parmi des buissons pétrifiés par le froid, dont chaque branche est saisie de glace, la caméra avance. La déambulation est agitée. On ne verra jamais le promeneur. Pourtant sa présence est impressionnante: ses pas, sa respiration, ainsi que des onomatopées la révèlent en gros plan sonore. L'image subjective scrute les branchages, marque de brefs arrêts, poursuit son chemin, explore les allées de cette espèce de labyrinthe. Les images, en suspension légère, contrastent avec le rythme saccadé des pas qui martèlent la neige glacée. Soudain, le marcheur s'immobilise. La caméra balaye l'espace. Elle cherche. L'image est ralentie, presque gelée. Le promeneur - Donigan Cumming, sans nul doute - suspend sa respiration. L'inquiétude culmine. Puis la caméra fait marche arrière. La recherche reprend pour ne jamais aboutir. L'inquiétude persiste, énigmatique et pénétrante.
Court fragment dans l'œuvre de Cumming, Trip en est également une métaphore. Celle d'une quête éperdue, hallucinée comme le suggère le titre, dans le dédale d'un âge glaciaire.
Jean Perret, Visions du réel, 2002