Le film montre certaines des plus vieilles images tournées à Londres, au début des années 1900, gracieuseté des Frères Lumière et du génie des algorithmes Denis Shiryaev, qui les a récemment restaurées et colorisées. Ces actualités londoniennes montrent des attroupements qui regardent en retour ces tout premiers appareils d’enregistrement. Tous ces personnages sont morts, de nos jours. Mais avant la fin de leur vie, ils auront donc intériorisé et assimilé ce regard technologique imbriqué dans une structure de pouvoir d’un nouveau genre. On assiste ainsi à la naissance de l’État de surveillance, tel que conçu par Michel Foucault dans Sécurité, territoire, population (1977-1978).

 

« Les spectateurs sont transformés en ouvriers. Le cinéma, la télévision et l’Internet sont des usines faisant travailler les spectateurs. Regarder, c’est produire. Le cinéma, qui a intégré la logique de production taylorienne et la chaîne de montage, étend ainsi l’idée de l’usine partout où il va. Les sens sont arrimés à un schème de production, le médium transforme les sens de celui qui regarde en capital. Ainsi, les facultés esthétiques et les pratiques imaginaires des spectateurs sont assemblées puis disséminées à intervalles réguliers. Tout comme l’usine traditionnelle assigne une place fixe à ses ouvriers, le cinéma fait de même avec ses spectateurs. Les deux sont des espaces de confinement disciplinaire. » – Hito Steyerl, Is the Museum a Factory?