Vérité et mensonges. Documentaire et fiction. Distance et obscénité. Tendresse et cruauté. C'est sur ces frontières ténues que se balade inlassablement Donigan Cumming. Il aime à nous provoquer, à nous maintenir dans l'inconfort. Une prière pour Nettie, premier de ses films, marque le passage de la photo à la vidéo. De fait, Nettie a longtemps été son modèle de prédilection. Ici, il lui consacre une élégie. Lorsqu'il commence à la filmer en 1993, elle est encore vivante. Un simple arrêt sur image suspend sa vie, lui donnant l'apparence d'un gisant. Dès lors les pleureurs, saisis dans leur domicile mais associés à Nettie par le montage, peuvent intervenir. L'un d'entre eux, Albert, qui l'a à peine connue, se démarque particulièrement. Au cœur de ses déclamations, Cumming lui fait interpréter une parodie d'un film policier. Sommes-nous dans une tragédie ou dans une comédie ? Le cinéaste ne choisit pas. Bien que les protagonistes soient dans une constante représentation, une forte émotion se dégage de l'ensemble. Si aucun lien explicite n'unit ces personnages, l'acte de mémoire que met en scène Cumming les rassemble néanmoins dans une communauté virtuelle. C'est à elle qu'il s'attachera désormais, de film en film.
Bertrand Bacqué, Visions du réel, 2002