Un projectionniste est empêtré dans la pellicule, pris dans le décompte du 35mm à projeter pendant qu'un apprenti assiste à la scène.
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Entretien avec John Blouin
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour réaliser cette oeuvre ?
La fermeture d’un cinéma, un parmi bien d’autres, mais celui où j’ai littéralement habité, comme projectionniste, puis grandit comme performeur/cinéaste. Un film fait dans fait dans l’urgence,comme mémoire.
Quel est votre rapport au film, à la pellicule ?
Ce fut, comme dans Filmstripe, en aidant un projectionniste (le même que dans le film), pataugeant dans la pellicule. Puis, je le suis devenu, dans le même lieu, durant près de dix ans, à entendre le souffle des projecteurs, à voir les clairs-obscurs d’une cabine de projection. Après le travail, me suis mis à expérimenter avec des boucles 35-16mm, en m’attardant sur les erreurs de projection, là où malgré lui, le projectionniste apparaît sur l’écran. J’ai poussé le tout via des performances multi-projection sous le nom de Cabina Obscura.
Qu’est-ce qui a motivé votre choix de tourner en numérique pour dépeindre, non sans nostalgie, l’époque de la pellicule qui tend à disparaître ?
Je ne voulais pas tomber dans une surenchère sur le 35mm. Je voulais que le film parle du présent, soit tourné dans le présent qui est celui du numérique. Les choses changent, et je tends à me transformer avec ces mouvements. Tourner en numérique était une façon de regarder en avant. Mais, j’ai l’idée persistante d’en faire une copie en 35mm, qui accumulerait des traces de projections en vieillissant.
Filmstripe semble se situer entre la fiction et le documentaire. Le projectionniste performe et fait travailler ses sens devant une caméra qui documente des gestes qui sont amenés à disparaître. Filmstripe doit-il se voir comme un récit et un hommage ?
Filmstripe est au seuil de tout ça. C’est un documentaire, quasi didactique, pour que les gens puissent s’y référer, puissent savoir que c’était ainsi que la projection 35mm fonctionnait. C’est pour ça qu’on a tourné avec de vrais projectionnistes sur leur lieu de travail, pour y capter les gestes de ces artisans. Et c’est aussi un récit avec une ligne dramatique, un suspense. Le personnage principal étant un bon conteur, on a pu jouer en y introduisant des détails précis. Sans aucun texte, seulement des constellations sur la projection. Et c’est un hommage, à la salle qui ferme, aux technologies qui déclinent, mais surtout à ces accompagnateurs d’images qui les ont manipulées et incarnées.
Entretien par Vidéographe, 2012.